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mercredi 31 août 2011

Le Serpent du rêve

Vonda McIntyre : Le Serpent du rêve
Dreamsnake (1978)
éd. Le Livre de Poche, 1994
trad. de Jean Bailhache, couv. de Jackie Paternoster


Serpent la guérisseuse a traversé le grand désert pour soigner un enfant malade. Elle soigne avec ses serpents génétiquement modifiés.
Leurs venins peuvent prémunir ou guérir.
L'un d'eux, Sève, venu d'un autre monde, est particulièrement rare et précieux : il peut accorder le sommeil et endormir la souffrance. Et lorsqu'il est tué par un ignorant, Serpent se sent mutilée, inutile, malgré toute sa science.
Il lui faut partir à travers un monde étrange et désolé, celui du lointain avenir, en quête d'un autre serpent du rêve.
Couronné aux États-Unis par de multiples prix lors de sa publication, (1) Le Serpent du rêve ne remporte pas le succès espéré lors de sa publication en France. Possédant la caractéristique rare de chevaucher avec naturel deux genres que certains spécialistes aimeraient isoler définitivement, (2) il semble relater d'une manière belle et simple un passé lointain alors que son action se situe sans conteste dans un futur tout aussi éloigné.
Si l'auteur se contente d'effleurer les thèmes de la place et de l'acceptation de la science, la réflexion est tout de même présentée et la liberté est laissée au lecteur de s'y laisser entraîner. Mais c'est essentiellement d'humanisme dont nous parle Vonda McIntyre. Du désir d'êtres tels que Serpent de faire le bien de chacun pour améliorer l'ensemble. Un désir qui ne laisse pas de surprendre au fur et à mesure que l'on découvre le triste héritage laissé par les sociétés passées mais qui, au travers de Serpent, finit par faire son chemin dans l'esprit du lecteur puis s'impose dans toute son évidence.
Un roman qui se savoure comme on le ferait d'une eau de source  fraîche et limpide. (3)

(1) Le prix Nebula tout d'abord sous sa forme de nouvelle, puis, devenu roman, de nouveau le Nebula ainsi que les prix Hugo et Locus.
(2) Science-fiction et Fantasy, les éternelles sœurs ennemies...
(3) Ce que j'ai fait deux fois à quelques vingt années d'intervalle et mon sentiment est le même bien que son origine soit sensiblement différente. Ce que l'on nomme « le recul », probablement...

mardi 30 août 2011

Irfan

Irfan : Seraphim
(2007 - Prikosnovenie)

Né en 2001, ce groupe bulgare (1) est auteur de deux albums, (Sans titre, 2005 et Seraphim, 2007). Si le premier reste intéressant à découvrir, le second est une véritable petite perle ressourçante. Résolument tourné vers le passé, Irfan offre néanmoins un son des plus modernes, s’accompagnant de nappes électroniques sourdes et apaisantes. On pense immédiatement à d'autres groupes comme Dead Can Dance ou Arcana et le groupe offre, en plus du mysticisme, une musique aux accents orientaux qui permettront aux sensibilités différentes de se l'approprier à leur goût.
Les rythmes lents mais très vivement ornementés soutiennes une multitude de phrases musicales complexes et variées, exécutées sur des instruments d'origines géographiques différentes par des musiciens virtuoses. Certains passages font furieusement penser à de la musique classique ou baroque (ce qui explique la présence des machines enveloppantes).
Irfan, comme presque tous ceux qui jouent du passé avec la compréhension caractéristique de notre époque, (2) parvient à un résultat autre, une fusion parfaite : une des marches qui nous mènent vers la musique (du) futur(e). (3)
Quelques exemples : Star of the WindsFeiLos Ojos de la MoraReturn to Outremer.


Musiciens : 
- Denitza Seraphimova (2002-2006) : chant
- Vladislava Todorova (2006-présent) : chant
- Kalin Yordanov : chant, daf, bendir, darbouka
- Ivaylo Petrov : oud, saz, tambura, guitar, programming
- Kiril Bakardjiev : programmation, clavier, santour
- Peter Todorov : darbouka, zarb, riq, djembe, tabla


(1) En langue arabe et perse, Irfan signifie « connaissance mystique ».
(2) J'ai d'ailleurs hésité à classer Amesha Spenta dans cette rubrique mais la part des machines y est tellement majoritaire qu'il avait davantage sa place dans l'electro.
(3) Une idée du futur qui ne correspond pas, pour moi, au modernisme mais plutôt à une démarche qui tient compte de tout ce qui s'est fait musicalement sur Terre depuis toujours et parvient à en marier les divers éléments.

dimanche 28 août 2011

Esbjörn Svensson Trio

Esbjörn Svensson Trio : Seven Days of Falling
(2003 - Act Music / Vision)

Proposant l'un des jazz les plus innovants de ces dernières années, ce groupe suédois, après des débuts assez classiques, n'a pas cessé d'intégrer de nouvelles sonorités empruntées à d'autres styles de musiques pour que la sienne reste toujours plus surprenantes, forçant l'auditeur à prêter une oreille attentive au-delà du plaisir d'entendre trois véritables virtuoses.
Pour répondre à la question d'un ami qui découvrait Seven Days of Falling (« Mais... tu es sûr qu'il n'y a pas de guitare électrique ? ») : non, il n'y en a pas. Une contrebasse et un archet associés à une pédale d'effets, oui. Mais pas de guitare électrique.
Le trio, en perpétuelle recherche, nourrit sa musique d'ambiances et de sonorités rarement entendues dans le jazz et résolument ouvertes vers le futur plutôt que vers l'exécution parfaite du passé.
Esbjörn Svensson nous a malheureusement quitté en 2008 lors d'un accident de plongée sous-marine, son autre passion. Passion qui lui a procuré, entre autres, des sons qu'il a parfois intégrés avec bonheur dans sa musique.
L'écoute attentive et chronologique des albums du trio est fascinante tant sa transformation sonore et son enthousiasme a être lui-même est évidente.
Quelques exemples : Elevation of LoveDid They Ever Tell Cousteau ?, O.D.R.I.P.In My Garage.


Musiciens :
- Esbjörn Svensson : piano, claviers
- Dan Berglund : contrebasse
- Magnus Östrom : batterie, percussions

samedi 27 août 2011

Wynton Marsalis

Wynton Marsalis Septet : Citi Movement
(1992 - Sony Music)

Né d'un père musicien, Wynton Marsalis apprend la trompette très jeune et brille rapidement pour ses talents d'interprète dans la musique classique puis se dirige sérieusement vers le jazz.
C'est au chorégraphe Garth Fagan que l'on doit cette œuvre somptueuse du trompettiste puisqu'il s'agit d'une commande.
Devant prêter sa musique à un spectacle centré sur le thème de la ville, Wynton Marsalis se fait descripteur et donne une des musiques les plus expressives du genre. Le premier morceau donne une vision d'un trafic automobile hésitant aux premières heures d'activité d'un New York des années 1920. (1) Arrêt et reprise de la circulation, coups de klaxons nerveux ou furieux, sirènes, coups de frein, bourgeoise hautaine qui traverse en toisant les conducteurs et claquant de la langue pour que Fifi avance, sifflet qui régule ou provoque le tout. Puis, la journée s'étire et l'ont assiste en accéléré à la vie quotidienne des citadins. Les terrasses, les travailleurs, les promeneurs. Et les salles de bals qui se remplissent, le charleston qui éclate, les cuivres qui se diluent dans la fumée des bars et croise les bruits de verres faisant connaissance. Le tremblement d'un blues qui se cherche sur un clavier... Puis le troitoir luisant de pluie sous les pas mal assurés du solitaire qui croise le couple amoureux sans le voir alors qu'il revient lentement chez lui. Un disque de jazz que l'on lance quelques étages plus haut. On entend même un chat miauler pas très loin... Une pause. Puis la foule bougonne qui se presse dans le métro. Et d'autres scènes. Beaucoup d'autres. (2)
On y est et toute la palette d'émotions que l'on nous décrit au creux de l'oreille devient trésor personnel. Un beau voyage et de superbes souvenirs.
Le disque peut s'écouter ici : Citi Movement.

Musiciens :
- Wessell Anderson : sax (alto)
- Wycliffe Gordon : trombone
- Herbert Harris : sax (tenor)
- Wynton Marsalis : trompette
- Eric Reed : piano
- Herlin Riley : batterie
- Marthaniel Roberts : piano
- Reginald Veal : basse
- Todd Sebastian Williams : sax (tenor et soprano)

(1) La datation des images provoquées par l'œuvre ne vient en fait que plus tard mais les écoutes suivantes font de cette date un choix évident, même pour ce premier morceau.
(2) Me relisant, je veux ôter toute confusion possible : aucun son n'étant pas joué par ce septet n'a été ajouté à cette œuvre.

vendredi 26 août 2011

Birtha

Birtha : Birtha
(1972 - Dunhill Records)

Composé exclusivement de femmes, c'est en 1968 que Birtha se constitue. Quatre ans plus tard, le premier album sort, suivi d'un second en 1973, l'année d'après.
Si ce petit frère, n'attire pas mon attention, son aîné est, à mon sens, digne de figurer parmi les plus grands albums enregistrés dans ces toutes jeunes seventies. En effet, c'est dans celui de 1972 que sont concentrées l'énergie, la hargne, la fraîcheur et l'urgence qui donnent son envergure à ce groupe.
Les deux ont été des flops commerciaux et Birtha s'est dissout deux ans plus tard. S'il est une question qui vient à l'écoute de ce premier disque, c'est : pourquoi cet échec d'un groupe dont les compositions et le jeu n'auraient pas fait rougir des musiciens de haute renommée de cette époque ?
Je ne sais pas.
Et les artistes du moment comme Fleetwood Mac, Alice Cooper, The Kinks, B. B. King et d'autres, dont Birtha a chauffé quelques salles entre deux concerts bien à lui, n'ont pas dû comprendre non plus...
D'un niveau bien supérieur à beaucoup d'autres, masculins, celui-ci donne un son rock et un peu sale, lourd, puissant et entraînant, rehaussé par un clavier omniprésent et des voix parfois rauques que viennent croiser des contre-points plus aigus voire haut-perchés. Des rythmiques rapides, souvent, et quelques balades en ponctuation. On pense immédiatement à Janis Joplin et Bob Seger. Aux Doors, aussi.
Comme à beaucoup d'époques, le public était plus en quête de sensationnel que de bonne musique. A ma connaissance, Birtha jouait plutôt que de se donner en spectacle. Quel gâcheur... (1) Avec une carrière plus longue, il aurait eu maintes occasions de renouveler l'exploit obtenu sur ce premier album en 1972.
Une merveille.


Musiciennes :
- Shele Pinizzotto : chant, guitare
- Rosemary Butler : basse
- Sherry Hagler : claviers
- Liver Favela : batterie

(1) Ce public gâcheur, trois groupes de l'époque en parlent avec regrets dans des documents filmés : les Beatles, les Rolling Stones et les Doors. A une question sur la folie démesurée que provoquaient leurs concerts et le sentiment qu'ils en retiraient, une unique réponse : « On est content, bien sûr, de voir venir autant de monde. On aimerait juste... qu'ils écoutent davantage. Mmmmh... Oui, c'est ça : qu'ils écoutent notre musique. » (Je cite de mémoire.)

mercredi 24 août 2011

Anathema

Anathema : A Natural Disaster
(2003 - Music for Nations)

Des formations ayant su prendre un important virage de style avec un tel bonheur, Anathema est peut-être l'un des plus beaux exemples. Évoluant à ses débuts dans le metal doom, le groupe, depuis l'album Alternative 4, lui préfère une pop-rock lancinante parsemée d'éclats plus rageurs. (1)
Après trois albums (2) toujours plus aboutis, A Natural Disaster semble être à l'apogée de ce dont est capable le groupe, chaque morceau se révélant un bijou de composition, la production particulièrement réussie lui offrant l'écrin nécessaire à la mise en valeur d'un sens mélodique des plus inspirés.
La musique d'Anathema est profondément pessimiste, voire désespérée. Si le groupe s'offre parfois le privilège d'un rapide éclat de colère, ce n'est que pour replonger de plus belle, par contraste, dans une noirceur âpre. Ainsi, le titre Pulled Under At 2000 Meters, sixième de l'album, après une introduction toute de violence sourde et contenue, laisse éclater sa rage pendant plus de quatre minutes et modifie sensiblement le relief général du disque tout en marquant l'esprit des auditeurs.
Attendant avec impatience le disque suivant, c'est avec un sentiment de déception que j'ai vu arriver un album de reprises (Hindsight), déception bien vite effacée à l'écoute des réorchestrations complètes et surprenantes qui le plaçait aux côtés d'un autre groupe sachant se reprendre sans se répéter. (3)
Le travail suivant, We're Here Because We're Here, s'il tend vers la même mélancolie, possède une atmosphère plus tapageuse, à mon avis moins sincère et moins inspirée, confirmant le sentiment d'apogée ressenti à l'écoute de A Natural Disaster.
En septembre 2011 devrait sortir Falling Deeper, un nouvel album qui renouvelle la démarche adoptée pour Hindsight et donne tout espoir d'entendre Anathema retrouver l'inspiration  superbe qui a donné le disque dont je parle ici.
À suivre avec attention. J'y reviendrai.
Quelques exemples : Harmonium, ElectricityCloserViolence.


Musiciens :
- Vincent Cavanagh : chant, chœurs, guitares
- Daniel Cavanaghchant, (4 et 9), chœurs, guitares, claviers
- Jamie Cavanagh : basse, programmation
- Les : claviers, programmation
- John Douglas : batterie


(1) Le style d'Anathema est parfois appelé metal atmosphérique mais c'est à mon avis trompeur tant les sonorités associées aujourd'hui au metal ne se retrouvent plus dans ce groupe.
(2) Alternative 4 (1998) , Judgement (1999), A Fine Day to Exit (2001).
(3) Il s'agit de Led Zeppelin avec le somptueux No Quarter que l'on peut qualifier d'album de reprises bien qu'il offre quatre titres inédits.

mardi 23 août 2011

Carla Bley & Steve Swallow

Carla Bley & Steve Swallow : Duets
(1988 - Watt)

Un piano incisif (Carla Bley) et une basse électrique chaleureuse (Steve Swallow) pour ce couple très intime qui donne un sens des plus justes au nom de cet album précieux.
Dans ce Duets jouant un jazz calme et feutré aux accents modernes, si Steve Swallow compose les deux titres que je préfère, c'est à Carla Bley que reviennent l'ambiance générale du disque et ce chef-d'œuvre qu'est Reactionary Tango avec ces trois parties envoûtantes qui détonnent du reste de l'album.
Les deux instruments sont doux et tendres, s'enlacent et se répondent, se titillent et s'enflamment, à l'image d'un couple qui vient de se trouver ou s'est perdu depuis longtemps et se retrouve enfin. De nombreuses écoutes font toujours découvrir un geste, un regard, une onde qui nous auraient échappés lors d'une audition précédente.
Ces deux-là s'aiment et le font entendre. D'une manière radieuse. Merci d'avoir posé des sons sur un tel événement.
Quelques exemples : Sing Me Softly of the BluesLadies in MercedesReactionary Tango (pts 1, 2 & 3).


Musiciens :
- Carla Bley : piano
- Steve Swallow : basse

Broken Note

Broken Note : Terminal Static
(2009 - Ad Noiseam)

Terminal Static, qui est une compilation des précédentes sorties si j'ai bien compris, propose une immersion dans une atmosphère des plus chaotiques. À l'image de la pochette de l'album, l'ambiance générale est très sombre et puissante, appelant à pousser le bouton du volume toujours un peu plus loin. Le son des machines de Broken Note est noir (très), enchaîne des ambiances d'apocalypse sale et moite, martèle des rythmes non pas effrénés mais lourds et perpétuellement entrecoupés de breaks diverses.
D'autres auditeurs plus informés sur le vocabulaire dédié au genre utilisent les termes darkstep, dubstep, breackcore, drum'n'bass et indus.
Une expérience à vivre entre deux écoutes plus légères mais qui demande sans conteste d'y revenir.
Souvent.
Quelques exemples : Mask of GasZealotThe FuryMortal Bass.

Musiciens :
- Eddie : claviers, programmation
- Tommyclaviers, programmation

Tigane

Guy Gavriel Kay : Tigane
Tigana (1990)
éd. J'ai Lu littérature générale, 2003
tard. de Corinne Faure-Geors, couv. de Paolo Uccello

« Le nom de Tigane, effacé ! La haine de Brandin pesait tout entière dans cette malédiction destinée à venger la mort de Stevan, son fils. Par ce sort, il effaçait le nom de la cité royale. Il l'ôtait de la mémoire de tous les vivants, nés ailleurs que dans la province. »
Depuis ce jour fatal où son fils bien-aimé fut tué, Brandin d'Ygrath ne vit plus que pour sa vengeance. Il ne lui suffit pas que Tigane soit rayée de la carte, il faut aussi que tous les natifs de la cité meurent à leur tour.
Qui peut contrer le tyran ? Alessan, le prince héritier, engagé dans la résistance sous le masque d'un ménestrel ? Dianora ? Originaire de Tigane, elle s'est juré de le tuer, mais elle a un désir profond de cet homme. Alberico, le sorcier, avec qui Brandin partage le pouvoir ? À la seule évocation de Tigane, des forces obscures s'affrontent...
Guy Gavriel Kay occupe une place à part au sein des auteurs de Fantasy. (1) En effet, ses œuvres se rapprochent davantage de romans historiques que de ceux où s'alignent les poncifs habituels du genre. C'est la dimension historique et politique qui intéresse Kay, qui le pousse a placer ses intrigues dans des contrées qui présentent peu de différences avec notre passé. (2) La magie, lorsqu'elle existe, n'est pas l'élément principal, pas plus que ces quelques détails disséminés pour bien montrer qu'il ne s'agit pas de la Terre que l'on connait. (3)
Et si Kay ne prise pas les artifices pyrotechniques, il est un maître de l'intrigue et sait suffisamment travailler le détail pour que ses récits acquièrent une densité peu commune. Tout comme son travail sur les personnages qui contribue à rendre l'atmosphère très réaliste de ses romans.
Avec Tigane, Kay nous invite à vivre une aventure épique à travers cette Italie improbable et pourtant si réaliste, à suivre la lutte d'un peuple à la recherche de son identité et d'un simple signe de reconnaissance de la part des autres peuples.
Captivant.

(1) Et, accessoirement, dans mon cœur où il se dispute la préférence avec Jean-Philippe Jaworski.
(2) Dans Tigane, il pourrait s'agir de l'Italie de la Renaissance mais c'est aussi vrai pour d'autres romans comme Les Lions d'Al-Rassan (Espagne), La Chanson d'Arbonne (France)...
(3) Par exemple, il n'est pas rare de voir l'un des personnages s'arrêter un moment pour contempler deux lunes magnifiques monter dans le ciel...

lundi 22 août 2011

Amesha Spenta

Amesha Spenta : Amesha Spenta
(2009 - Audiotrauma)

Premier album du guitariste Sébastien Béné-Le Touarin (qui délaisse son instrument de prédilection pour passer à la programmation), Amesha Spenta nous invite au voyage pendant une bien trop courte demie heure. Si deux remix de Sonic Aera et Zenta de bonne facture prolongent l'escapade, le dernier son ne provoque qu'une réaction : relancer ce disque en se promettant d'être plus attentif au paysage cette fois.
C'est en tout cas le sentiment que j'ai eu à l'écoute de cette œuvre, l'image d'un voyageur solitaire me venant à l'esprit de manière répétée. Un voyageur qui traverse des paysages désolés et les contemple avec nostalgie, laissant les souvenirs de chacun d'eux remonter à la surface. Les morceaux se suivant sans coupures, l'impression de voyage est omniprésente. C'est contemplatif, nostalgique, respectueux et exécuté avec intelligence.
De tous ces paysages sonores qui se succèdent, se croisent ou se percutent, beaucoup nous échappent, les références ethniques étant nombreuses et parfaitement mêlées aux ambiances plus modernes, voire futuristes. Lorsqu'on lui demande de définir sa musique, l'auteur répond : « Electronique, ethnique, mélancolique, downtempo, ambiante aussi »... Ce qui colle assez bien.
Une bien belle réussite qui nous fait attendre avec curiosité et envie de prochaines créations. Tout aussi fusionnées, souhaitons-le.
Un exemple : Formalin.


Musicien :
- Sébastien Béné-Le Touarin : claviers, programmation

dimanche 21 août 2011

Tyranaël

Élisabeth Vonarburg : Les Rêves de la mer (Tyranaël T.1)
éd. Alire, 1996
Couv. de Jacques Lamontagne

Eïlai Liannon Klaïdaru était encore enfant lorsqu'elle a « rêvé » pour la première fois des Étrangers. Elle ne se doutait pas alors qu'ils changeraient le destin de sa planète, Tyranaël.
La Terre surpeuplée va enfin essaimer : Virginia, dans la constellation de l'Aigle, est ouverte à la colonisation. Mais qui sont les constructeurs des singulières villes qui la parsèment ? Et pourquoi ont-ils disparu ?
Au soir de sa vie, Eïlai a rassemblé toutes les plaques mémorielles racontant la dramatique arrivée des Étrangers. Hélas, aucune ne dit clairement dans combien de temps elle aura lieu.
Et voilà le Nostos qui se place en orbite, et le premier drame : qu'est-ce que cette « Mer » qui, surgie de nulle part, annihile toute énergie dès qu'on l'approche... et toute vie à son contact ?
Premier volet d'un cycle qui en compte cinq (1), Les Rêves de la mer nous introduit dans l'Histoire de la planète Virginia, convoitée par les Terriens et pleine de mystères. Une Histoire qu’Élisabeth Vonarburg choisit de relater sur près d'un millénaire au travers de nombreux personnages qui sont autant de témoins des métamorphoses de cette planète.
Si les 56 premières pages (2) de ce roman peuvent paraître décousues et semblent suggérer un abandon rapide de la lecture, la suivante, elle, nous plonge dans un récit magnifique et captivant qui ne cessera pas de l'être jusqu'au tout dernier mot du dernier tome. Et c'est là que le talent de l'autrice impose le respect : ce début difficile étant parvenu à placer le lecteur dans un état d'esprit nécessaire à la dégustation de la suite.
Je compte ce roman et ses suites parmi les meilleurs que j'ai pu lire et, dans ce cercle restreint, ils occupent même une place à part. Une fois cette lecture achevée, il s'avère que l'expression « travail d'orfèvre » est parfaitement adaptable au métier d'écrivain.

(1) Le cycle de Tyranaël comprend Les Rêves de la Mer, Le Jeu de la perfection, Mon frère l'ombre, L'Autre Rivage et La Mer allée avec le Soleil.
(2) Certains lecteurs étendent cet avis à tout le premier tome mais je pense qu'ils exagèrent copieusement. Tyranaël se mérite, certes, mais de là à qualifier Les Rêves de la Mer de pensum...

samedi 20 août 2011

Thee Michelle Gun Elephant

Thee Michelle Gun Elephant : Casanova Snake
(2000 - Triad)

Groupe japonais, Thee Michelle Gun Elephant (1991 - 2003) joue un punk rock rapide, agressif et parfaitement maîtrisé, la voix rauque du chanteur n'étant pas étrangère à la violence contenue dans cette musique.
L'album Casanova Snake, parmi la dizaine sortie, est celui sur lequel je reviens le plus souvent, invariablement étonné par l'énergie phénoménale contenue dans  chacun de ses titres, même les plus « lents ». Plus généralement, on y trouve une basse ronflante et entraînante, des rythmiques nerveuses et effrénées, une batterie qui martèle sans répit, des solos enthousiastes et précis et cette voix hurlante et cassée pour lier le tout.
Pensant qu'il avait fait le tour des possibilités du genre sous cette configuration, Thee Michelle Gun Elephant a cessé d'exister en 2003 et ses membres ont créé d'autres groupes (que je n'ai pas encore écoutés, à l'exception de Rosso, celui du chanteur, qui semble reprendre le même style mais d'une manière moins intéressante à mon avis).
Quelques exemples : Dead Star EndPlasma DiveDrop.

Musiciens :
- Chiba Yusuke : chant, guitare
- Abe Futoshi : guitare
- Ueno Kouji : basse
- Kuhara Kazuyuki : batterie

Freak Guitar

Freak Guitar : The Road Less Traveled
(2004 - Nothing To Say / Wagram)

Mattias IA Eklundh est un guitariste autodidacte suédois doué d'une virtuosité indéniable. Outre ses nombreuses participations à des groupes divers, il s'implique plus particulièrement dans les deux projets Freak Kitchen et Freak Guitar.
Si le premier, un groupe de heavy metal proposant un style puissant et énergique, n'offre pas de réelles différences avec beaucoup d'autres groupes évoluant dans le même genre, le second se distingue par son éclectisme et son évidente quête perpétuelle d'idées neuves. Cette recherche de nouveauté, aussi enthousiasmante qu'elle soit, empêche toute cohérence mais ce « défaut » est largement compensé par l'humour flagrant dont fait preuve Eklundh.
Particulièrement réussi, l'album The Road Less Traveled nous offre une palette variée de styles, n'hésitant pas, parfois, à les mêler dans un même morceau. Ainsi, nous passons de la ballade au heavy metal le plus débridé, de l'ambiance latino à l'expérimentation, de l'interprétation moderne de la tradition à la pop aux accents jazz ou funk. Un trait commun néanmoins : l'humour omniprésent du musicien et cette impression permanente d'être en présence d'un gosse émerveillé par son nouveau jouet et tentant d'en découvrir les limites.
Un disque décousu et surprenant qui ne laisse aucun moment de répit, un projet solo qui donne sans conteste à cet artiste exceptionnel toute la liberté d'expression dont il a besoin.
Quelques exemples : There's No Money In JazzPrint This !Smoke on the WaterCaffeine.


Musiciens :
- Mattias IA Eklundh : guitares, tous instruments
- Johan Holmberg : trompette *
- Mattias Ekberg : trompette *
- Petter Winroth : trombone *
- Per Rosenlund : sax (alto) *
- Jens Nilsson : sax (tenor) *
- Johnny Rodstrom : sax (baritone) *
* sur le titre « Minor Swing »

mercredi 17 août 2011

Spin

Robert Charles Wilson : Spin
Spin (2005)
éd. Denoël Lunes d'encre, 2007
trad. de Gilles Goullet, couv. de Manchu

Une nuit d'octobre, Tyler Dupree, douze ans, et ses deux meilleurs amis, Jason et Diane Lawton, quatorze ans, assistent à la disparition soudaine des étoiles. Bientôt, l'humanité s'aperçoit que la Terre est entourée d'une barrière à l'extérieur de laquelle le temps s'écoule des millions de fois plus vite. La lune a disparu, le soleil est un simulacre, les satellites artificiels sont retombés sur Terre. Mais le plus grave, c'est qu'à la vitesse à laquelle vieillit désormais le véritable soleil, l'humanité n'a plus que quelques décennies à vivre...
Qui a emprisonné la terre derrière le Bouclier d'Octobre ?
Et s'il s'agit d'extraterrestres, pourquoi ont-ils agi ainsi ?
Spin est le roman le plus ambitieux de Robert Charles Wilson à ce jour. Une ambition récompensée en septembre 2006 par le prix Hugo, la plus haute distinction de la science-fiction.
Robert Charles Wilson est né en Californie et a immigré au Canada à l'âge de neuf ans. Ses romans d'un profond humanisme lui ont valu de nombreuses récompenses.
Ce roman a fait la quasi unanimité de la critique et se trouve être l'un des plus gros succès de SF en France. Les ingrédients familiers aux lecteurs de Robert Charles Wilson ne sont certainement pas étrangers au phénomène mais c'est plus probablement la dimension incommensurable de l'histoire qu'il nous conte ici qui a autant marqué les esprits.
Comme de coutume dans ses romans, Wilson confronte ses personnages de dimension fort modeste à des événements bouleversants qui, s'ils n'échappent pas à leurs sens, restent hors de portée de leur compréhension. Dans Spin, les origines et les raisons du drame qui s'abat sur eux resteront mystérieuses, l'auteur observant l'humanité se débattre tant qu'elle peut pour échapper au pire. Et ces efforts sont loin d'être modestes, eux. Nous les suivons avec avidité et Wilson parvient à maintenir un intérêt sans faille jusqu'à la dernière page, enchaînant trouvaille sur trouvaille, ne cessant jamais de nous étonner.
Le second tome de cette histoire conçue pour en compter trois, Axis, suit les traces de cette humanité que l'apparition du Spin et les événements suivants a bouleversée. Moins riche d'idées mais non exempt d'éléments qui font avancer l'intrigue lentement, il a été beaucoup plus fraîchement accueilli par le public et la critique. Néanmoins, il laisse l'impression que l'auteur a pris le temps de peaufiner quelques détails, mettre en place un contexte, nettoyer et préparer ses outils avant de s'attaquer au dernier volet de cette trilogie (paru aux Etats-Unis sous le titre Vortex et attendue avec impatience sous nos latitudes).

Humains, plus qu'humains

Octavia Butler : Humains, plus qu'humains
Clay's Ark (1984)
éd. Presses de la cité Futurama, 1985
trad. de Odile Ricklin, couv. de Raymond Hermange

Non, il n'était pas un animal. Pas plus qu'il n'était un violeur. Pourtant, s'il franchissait cette fenêtre, il violerait la femme ; il n'était pas un meurtrier, mais la toucher équivalait à une menace de mort. Ce cauchemar, il l'avait déjà vu devenir réalité... Alors, il avait voulu mourir. Il avait appelé la mort. Mais il n'avait pas pu se supprimer délibérément. La force de survie qui l'habitait avait submergé sa volonté consciente, balayé son sentiment de culpabilité, son sens du devoir envers une communauté qui avait été sienne : l'humanité.
Qu'est-il arrivé à Eli parmi les étoiles, qui a fait de lui un être plus tout à fait humain ?... Que veut du docteur Blake et de ses deux filles cette étrange communauté isolée au milieu des montagnes ? Quel mal habite ces gens trop maigres, aux mains tremblantes, aux sens anormalement aiguisés ?... Jusqu'où est-on encore un homme ?
Une question posée à un demain trop proche, trop vrai pour ne pas donner le frisson.
Une fois de plus, Octavia Butler place le lecteur devant ses propres doutes, devant des questions qui dérangent. Une fois de plus, l'humanité est mise en danger. Mais, cette fois, l'auteur inverse le problème et ne trouve pas de voie de salut à l'être humain tel qu'on le connaît.
Mené tambour battant, ce court roman coup-de-poing, nous laisse entrevoir une fin inéluctable. Mais s'agit-il bien de cela ? La question est belle et bien posée : « jusqu'où est-on encore un homme ? » Ou bien, formulée autrement : être réellement différent peut-il annuler le fait d'être humain ? Et dans quelle proportion ? Sur l'étalon de quelle improbable conscience ?
Octavia Butler dérange encore en poussant la réflexion au-delà de la bonne vieille loyauté humaine que l'on a plus souvent l'habitude de lire dans les romans de science-fiction.

mardi 16 août 2011

La Parabole du semeur


Octavia Butler : La Parabole du semeur
Parable of the Sower (1993)
éd. Au Diable Vauvert, 2001
trad. de Philippe Rouard, couv. de Rampazzo.com

Californie, 2025. Exclusion, misère, violence atteignent des proportions inégalées. A quinze ans, Lauren, fille d'un pasteur noir, est jetée sur les routes après le massacre de sa famille. Dans ce monde détruit, elle trace son chemin à travers le chaos, semant une parole d'espoir et de paix pour les déshérités, et plaidant pour une humanité nouvelle.
Octavia Butler, auteur de dix romans, plusieurs fois lauréate des prestigieux prix Hugo et Nébula, elle s'est vue décerner en 1995 le rarissime Pris Genius de la Fondation Mac Arthur Grant.
C'est à travers le journal de Lauren que nous suivons à la fois ses aventures, ses réflexions et la conviction immense qu'elle met dans l'espoir de sauver une humanité mise à rude épreuve par l'effondrement d'un système arrivé en bout de course. Dans le chaos qu'est devenue cette Amérique future, elle s'évertue de créer, consolider et protéger une communauté différente, basée sur des valeurs d'échange et de partage, mettant en avant une certaine idée de la religion qui diffère de toutes celles ayant existé jusqu'ici.
Octavia Butler, au fil de ses romans, ne cesse de mettre ses lecteurs dans des positions inconfortables en usant d'une idéologie parfois déroutante. C'est également le cas ici, puisque la jeune fille, à force de « principes nouveaux » et de « lois », créé ni plus ni moins ce qu'on peut appeler une secte. Mais celle-ci, loin de faire écran pour camoufler des charlatans avides de richesses et de pouvoir, garde le cap que Lauren, son guide, lui a donné.
On s'interroge sur la viabilité d'une telle entreprise, surtout dans ce futur si violent qui nous est décrit mais, peu à peu, la confiance, sans faille et lucide à la fois, que Lauren place dans le genre humain gagne le lecteur et le doute finit par s'estomper.
La suite de ce roman, La Parabole des talents, remet tous ces questionnements en jeu et, le projet de Lauren, sans changer de direction, prend une tout autre dimension.
Un chef-d'œuvre en deux tomes qui, certes, peut dérouter mais parvient néanmoins à mettre le doigt sur une évidence : il est urgent, puisque nos systèmes modernes prennent visiblement le chemin du futur que nous décrit l'auteur, de penser à mettre en place des actions parallèles à celles qui existent et cesser d'avancer en aveugle sans donner, sinon une destination, une direction commune à l'humanité en général.
Octavia Butler imagine une voie possible, à chacun d'en envisager d'autres...

La Horde du Contrevent


Alain Damasio : La Horde du Contrevent
(2004)
éd. Gallimard, Folio SF, 2008
couv. de Boris Joly-Erard

Un groupe d'élite, formé dès l'enfance à faire face, part des confins d'une terre féroce, saignée de rafales, pour aller chercher l'origine du vent.
Ils sont vingt-trois, un bloc, un nœud de courage : la Horde. Ils sont pilier, ailier, traceur, aéromaître et géomaître, feuleuse et sourcière, troubadour et scribe. Ils traversent leur monde debout, à pied, en quête d'un Extrême-Amont qui fuit devant eux comme un horizon fou.
Expérience de lecture unique, La Horde du Contrevent est un livre-univers qui fond d'un même feu l'aventure et la poésie des parcours, le combat nu et la quête d'un sens profond du vivant qui unirait le mouvement et le lien. Chaque mot résonne, claque, fuse : Alain Damasio joue de sa plume comme d'un pinceau, d'une caméra ou d'une arme...
Chef-d'œuvre porté par un bouche-à-oreille rare, le roman a été logiquement récompensé par le Grand Prix de l'Imaginaire.
Dépaysement.
C'est le terme que je choisirais si je ne devais en prendre qu'un pour décrire ce roman. Tout y est surprenant : la narration, le mode d'écriture, le monde décrit, la manière de montrer que l'unité d'un groupe tient nécessairement par les différences fondamentales de ses membres...
Ici, à mon sens, le dénouement n'a pas l'ombre d'une importance (d'ailleurs, on le devine assez rapidement). C'est l'intervalle qui compte et toutes les ressources mises en commun pour que cet intervalle vaille le coup d'être vécu. Malgré les erreurs, malgré les échecs, malgré tout. C'est uniquement ça qui compte. L'intervalle. Et la direction que l'on prend, le but que l'on se fixe, aussi éloigné ou utopique soit-il.
Même si, au départ, le contexte m'attirait moins que celui de La Zone du dehors, je n'ai pas été aussi surpris et captivé par un roman depuis bien longtemps. Et, visiblement, je n'ai pas été le seul à prendre ma baffe...

Outrage et rébellion


Catherine Dufour : Outrage et rébellion
éd. Denoël Lunes d'encre, 2009
couv. de Daylon

2320, ouest de la Chine. Les élèves de la très chic pension des Conglin s'ennuient dans leur prison dorée. Marquis, le plus enragé d'entre eux, se révolte brusquement : il invente, ou plutôt réinvente, une musique pleine de colère qui va fédérer tous les élèves contre les surveillants. Fuyant la répression qui s'abat sur les Conglin, Marquis se réfugie dans les sous-sols de Shanghai où l'attendent l'amour et la guerre.
Le Rock s'est brûlé les ailes à la fin des sixties ; le Punk s'est dilué dans l'héroïne avant d'avoir pu faire la peau de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher... Est-ce que la musique de Marquis sera assez puissante pour renverser la dictature qui écrase Shanghai ?
Celui-ci, j'ai hésité un long moment avant de vous en parler. Mais, au final, il n'en reste pas moins une expérience de lecture marquante, une... putain de claque dans la gueule. Ce n'est pas tant le fond, mais bel et bien la forme qui ébouriffe le lecteur, quand bien même il aurait été averti par de précédentes lectures du même auteur. 
L'histoire se dévoile peu à peu à travers les témoignages des protagonistes, une suite de monologues directement retranscrits de l'oral, comme ce que l'on peut voir dans certains documentaires et certaines publicités. Dufour, à travers cet amoncellement de dialogues tronqués et unilatéraux, réussit le tour de force de donner une profondeur réelle à ses personnages, à donner une humanité touchante à des figures qui feraient normalement pâlir bon nombre de bien-pensants, voire même une quantité non négligeable de personnes moins coincées qu'eux. Si elle place cette histoire dans le même avenir éloigné et très sombre que celui dans lequel se situait son roman précédent, Le Goût de l'immortalité, le point de vue en est radicalement différent. Ici, c'est de misère dont il s'agit. Une misère assénée à coups de mots crus, violents, sans la moindre pudeur ou le moindre remord.
Ce que j'ignorais : « La forme, parlons-en tout d’abord : ce roman est inspiré de Please Kill Me, de Legs McNeil, qui raconte l’histoire du punk américain par ceux qui l’ont vécu à ses plus belles heures. Un ouvrage entièrement constitué d’entretiens découpés en petits bouts, qui sont ensuite réordonnés chronologiquement afin de tresser une frise temporelle du développement du punk. Catherine Dufour adopte ici la même structure ; exit les descriptions, place à un mix hétéroclite de déclarations outrancières, de sentences définitives, de tranches de vie tragiques, drôlatiques, salaces... » (1)

(1) Bruno Para, pour la nooSFere.

La Zone du Dehors


Alain Damasio : La Zone du Dehors
(2001)
éd. Gallimard Folio SF, 2009
couv. de Bruno Raymond Damasio

2084. 
Orwell est loin désormais. Le totalitarisme a pris les traits bonhommes de la social-démocratie. Souriez, vous êtes gérés ! Le citoyen ne s'opprime plus : il se fabrique. À la pâte à norme, au confort, au consensus. Copie qu'on forme, tout simplement. Au cœur de cette glu, un mouvement, une force de frappe, des fous : la Volte. Le Dehors est leur espace, subvertir leur seule arme. Emmenés par Capt, philosophe et stratège, le peintre Kamio et le fulgurant Slift que rien ne bloque ni ne borne, ils iront au bout de leur volution. En perdant beaucoup. En gagnant tout. 
Premier roman, ici réécrit, La Zone du Dehors est un livre de combat contre nos sociétés de contrôle. Celles que nos gouvernements, nos multinationales, nos technologies et nos médias nous tissent aux fibres, tranquillement. Avec notre plus complice consentement. Peut-être est-il temps d'apprendre à boxer chaos debout contre le swing de la norme ?
La seule date à laquelle Damasio situe son roman est en soit un hommage au célèbre 1984 (1949), celui de George Orwell, qui dénonçait déjà les dérives de régimes totalitaires et policiers. Mais Damasio, outre son envie de ne pas sombrer dans la noirceur et le pessimisme comme l'avait fait Orwell, décrit son envie de ne plus vouloir subir. Mais subir quoi ? La question se pose aussi bien dans La Zone du dehors que dans les sociétés occidentales actuelles dites démocratiques.
Damasio dénonce l'hypocrisie de ces systèmes dont le seul véritable but est d'éviter les débordements, ainsi que l'aveuglement et le désir forcené de tranquillité des peuples. Ses héros sont des contestataires activistes qui veulent dessiller leurs semblables, quitte à faire appel à la violence (mais jusqu'où ?) pour les sortir de leur train-train quotidien. 
Alain Damasio nous offre un roman d'aventures mouvementées entrelardé de réflexions philosophiques sur l'implication et les motivations de ces activistes et de l'importance d'analyser le système qui nous englobe. Il propose ensuite quelques solutions, plus ébauchées que véritablement construites, ce qui laisse au lecteur le loisir de les élargir et de les consolider. A moins qu'elles ne donnent naissance à d'autres idées encore et, qui sait, un désir de passer de la réflexion à l'action.